La philosophie au Bac
Le programme de philosophie en Terminale
Comprendre l'esprit des instructions officielles de cette épreuve et de l'enseignement que reçoit votre lycéen.
Les instructions officielles concernant l'enseignement de la philosophie en classe terminale des séries générales exposent un programme entré en vigueur depuis la rentrée 2020 et le bac 2021.
Ces instructions permettent d'éclairer le sens et les objectifs de l'enseignement de la philosophie en classe terminale.
Je vous propose ici un repérage des éléments clefs de ces instructions, afin de comprendre « l'esprit » dans lequel la philosophie est enseignée à votre enfant à raison de 4 HEURES par semaine.
Pourquoi étudier la philosophie en Terminale ?
L'enseignement de la philosophie en terminale s'adresse à tous les élèves, quel que soit le parcours qu'ils auront choisi et les études auxquelles ils se destineront.
Premier objectif : former le jugement critique des élèves
Former « des esprits autonomes », soucieux de se questionner sur le monde qui les entoure, capables d'appréhender la complexité du réel à partir de problèmes philosophiques qu'ils apprendront à identifier, à formuler, et à élaborer en classe avec leur professeur de philosophie.
Second objectif : « instruire par l'acquisition d'une culture philosophique initiale ».
Le texte souligne que ces deux finalités ne peuvent être séparées. Autrement dit, si l'objectif d'une année de philosophie en classe terminale est de favoriser la formation du jugement de l'élève et de mettre en œuvre une conscience critique du monde qui l'entoure, cela ne peut se faire sans s'appuyer sur les éléments essentiels de cette culture philosophique initiale :
- d'une part, un travail analytique et de conceptualisation ;
- d'autre part, une « confrontation » avec certains grands auteurs et/ou textes de l'histoire de la philosophie par un travail de lecture d'extraits ou d'œuvres intégrales, travail indissociable de la philosophie elle-même.
Mais cela ne signifie en aucun cas que l'élève doive devenir un spécialiste de l'histoire de la philosophie, ni de la doctrine de tel ou tel auteur (les instructions précisent d'ailleurs que le programme ne doit pas viser une connaissance doctrinale ou encyclopédique), ni qu'il doive avoir abordé de façon exhaustive tous les problèmes philosophiques que l'on peut légitimement poser.
Cela signifie en réalité que l'enseignement de la philosophie se veut être une initiation.
S'il faut tenter de constituer une culture philosophique initiale, c'est bien dans le but d'apprendre à former le jugement et "à s'orienter dans les problèmes majeurs de l'existence et de la pensée".
Il s'agit donc bien d'un apprentissage.
Le nouveau programme met d'ailleurs en avant l'importance de divers exercices d'apprentissage de la réflexion philosophique en classe et à la maison, qui visent essentiellement à acquérir la maîtrise des contenus enseignés et qui reposent sur les deux exercices écrits fondamentaux que sont l'explication de texte et la dissertation de philosophie. Nous y reviendrons.
J'explique souvent à mes élèves que la lecture de certains textes (extraits) ou œuvres philosophiques, lecture où le professeur va les guider, n'a pour but que d'apprendre à conduire une pensée de manière réfléchie, en confrontant sa propre pensée à ceux qui ont fait l'effort de penser avant nous.
La dimension de transmission de certains fondamentaux de la culture philosophique paraît donc incontournable. Montrer aussi que la philosophie est toujours d'actualité, en ce sens que les problèmes qu'elle pose concernent le monde dans lequel vivent vos enfants, constitue un enjeu majeur d'une année de philosophie.
Certes, les élèves n'ont pas attendu la classe de terminale pour s'exercer à penser, certains ont déjà des opinions mûrement réfléchies malgré leur jeune âge. Leur propre expérience a déjà rendu possible une ébauche de pensée philosophique.
La philosophie propose donc d'offrir aux élèves, à partir de l'expérience qui est la leur et de leur capacité à réfléchir, le goût de la pensée précise, rationnelle et conceptuelle, et le sens de la responsabilité intellectuelle :
- Quand je dis ou affirme quelque chose, pourquoi je le dis, qu'est-ce qui me permet de le penser ou de l'affirmer ?
- Suis-je en mesure de justifier une idée, de l' argumenter ?
- En quoi une idée peut-elle être discutée ou contredite ?
Par ailleurs, et les nouvelles instructions le précisent, l'année de philosophie vient clore un parcours scolaire de collégien et de lycéen. Son enseignement vient donc mobiliser de nombreux éléments déjà acquis par votre enfant (en français, en histoire, en économie, dans les sciences, etc...). C'est aussi l'occasion de regarder sous un autre angle les connaissances acquises dans leur parcours scolaire.
En effet, la philosophie est bien souvent l'occasion d'apporter un éclairage nouveau sur tous ces acquis.
Par exemple, la notion de SCIENCE permet d'investir des connaissances dans les différents domaines scientifiques (même pour un élève ayant un profil "littéraire"), mais aussi de soulever des questions peut-être nouvelles pour eux : qu'est-ce que la science ? Comment la connaissance scientifique est-elle élaborée par la communauté scientifique ? Le problème de la vérité a-t-il une place en science ?
Comment étudier la philosophie en terminale ?
Puisqu'il n'est donc pas question de soulever tous les grands problèmes philosophiques, ni de parcourir toutes les étapes de l'histoire de la philosophie, le programme propose donc de délimiter un champ d'étude de notions à partir de trois perspectives proposées :
- l'existence humaine et la culture,
- la morale et la politique,
- la connaissance
Ainsi qu'une liste d'auteurs majeurs (de l'Antiquité à la période contemporaine) et un certain nombre de repères conceptuels.
Là encore, ces trois "outils" ou "auxiliaires" de la réflexion philosophique doivent être traitées conjointement et se « complètent ».
Les perspectives
Les perspectives ne s'ajoutent pas aux notions mais doivent plutôt être vues comme des orientations possibles ou des cadres (non contraignants) qui déterminent des champs de réflexion et de problèmes possibles.
Elles permettent par ailleurs de délimiter le choix des sujets de baccalauréat.
Néanmoins, le professeur garde sa liberté pédagogique : il n'y a pas de parcours d'étude de ces notions et des problèmes philosophiques qu'elles recouvrent qui serait déterminé par avance, ni selon un ordre obligatoire.
Une même notion peut se trouver problématisée dans plusieurs perspectives différentes. Par exemple, l'art peut être envisagé
-
sous la perspective de l'existence humaine et de la culture :
l'art aide-t-il l'homme à mieux vivre ? -
ou bien sous celle de la connaissance :
y a-t-il une vérité dans l'art ?
La liste d'auteurs
Elle offre la possibilité de choisir des extraits d'oeuvres qui viendront nourrir la réflexion.
Elle constitue aussi un cadre dans lequel le professeur pourra librement choisir l'œuvre complète d'un auteur (ou simplement la partie significative d'une œuvre, à condition qu'elle forme un tout cohérent).
En classe terminale, l'étude suivie d'UNE oeuvre, choisie parmi une liste d'auteurs mentionnés, est obligatoire.
L'étude de ces extraits d'œuvres ET de l'oeuvre obligatoire ne constitue pas une sorte d' « extra » qui s'ajouterait au programme ; elle contribue au traitement des notions et des problèmes qui le constituent ; elles sont inséparables de l'examen de ces notions.
On peut par exemple traiter les notions et les problèmes relatifs à la perspective "morale et politique", à travers le Du contrat social de Rousseau, soit dans son étude intégrale, soit dans une de ses parties.
Les repères conceptuels listés dans le programme
Ils ne viennent pas se surajouter aux notions : ils ont un but opératoire ; autrement dit, ils servent d'outils pour permettre de clarifier la pensée de l'élève et donner à celle-ci une dimension conceptuelle et raisonnée.
Voici la liste de ces notions telles qu'elles sont présentées officiellement.
Et à l'écrit du bac de philo ?
Les instructions officielles abordent en dernier lieu l'explication de texte et la dissertation, formes majeures de composition écrite en philosophie, et qui constituent les deux types d'épreuve écrites au baccalauréat.
Elles sont définies comme deux exercices qui permettent de mettre en valeur et évaluer un certain nombre d'exigences intellectuelles élémentaires en philosophie :
- s'exprimer avec clarté et avec toute la précision sémantique et conceptuelle requise,
- apprendre à problématiser un texte ou un énoncé de dissertation, à identifier et formuler le problème et ses enjeux,
- construire un raisonnement à travers une progression cohérente et lisible,
- argumenter et justifier son propos,
- convoquer des connaissances philosophiques et personnelles à bon escient pour nourrir une idée, la confirmer, ou la réfuter...
en bref, à construire un propos conceptualisé et argumenté.
Lors de l'épreuve écrite finale de philosophie au baccalauréat, l'élève aura à choisir UN sujet parmi trois sujets proposés (deux dissertations, une explication de texte).
Comment on fait pour y arriver ?
Même s'il est délicat de parler de méthode ( au sens où il n'y a pas de règles purement formelles permettant de réussir à coup sûr ces exercices ; il n'y a pas de « recette », ni de « technique »), il n'en demeure pas moins que des exigences relevant des conditions élémentaires de la réflexion philosophique sont attendues.
Comme l'indique l'étymologie du beau mot de méthode qui signifie en grec « chemin », « chemin à suivre », « direction qui mène au but », la réflexion philosophique peut être vue comme une démarche, une sorte de cheminement ordonné qui doit viser la maîtrise de la pensée et son expression la plus claire et la plus convaincante.
Cette dimension « méthodologique » doit faire l'objet d'entraînement et d'exercices réguliers pendant l'année, sous forme écrite ou orale.
Le professeur pourra lui-même donner dans son cours l'exemple de ces diverses démarches.
C'est donc d'abord en classe, dans la mise en œuvre du cours et du traitement d'une notion et d'un problème philosophique, que votre enfant apprend la démarche de la dissertation et celle de l'explication de texte. Le travail de votre enfant commence là, dans l'exercice vivant et dialogué de la philosophie, tel qu'il se déroule en classe.
Malgré les craintes légitimes que suscitent cette discipline nouvelle et souvent perçue comme exigeante, abstraite et même inutile pour certains, je peux témoigner du fait qu'une année de philosophie peut constituer - et je le souhaite vivement pour votre enfant - une expérience inoubliable dont le bénéfice ne se situe pas seulement au niveau de leurs résultats scolaires mais concerne la formation de leur propre pensée, de la personne qu'ils sont et qu'ils vont devenir !