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Interviews

Le Mock

Pierrot et Redek sont les deux jeunes gens à l'origine de la chaîne, Le Mock, une chaîne de vulgarisation de la littérature classique, une chaîne pour faire aimer la littérature. 

Pierrot et Redek  se sont rencontrés sur les bancs d'une Hypokhâgne et ont monté en 2015 cette chaîne, Le Mock, dont on est fan depuis la découverte de la vidéo sur Madame Bovary.

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C'est intelligent, drôle, fin, bref à consommer sans modération.

Interview animée à deux voix ! 

Vous avez lancé une chaîne pour faire aimer la littérature classique, mais qu’est-ce qui vous faisait croire qu’on ne l’aimait plus ?

Nous étions en classe prépa littéraire, mais dès que nous en sortions, nos amis balayaient d'un revers de main cette littérature dite classique; elle n'intéressait plus, on nous demandait "mais quel intérêt ?!" ... Du coup, on avait l'impression que travailler sur la littérature, c'était presque un bricolage, dans notre coin, mais un domaine qui ne concernait plus grand monde. 

Alors que nous étions (et sommes) convaincus que la littérature aide efficacement à avoir l'esprit grand ouvert ! Elle permet de se confronter à des personnages, qui ne sont pas nous, qui ont une pensée cohérente, une pensée sur le monde et qui dit quelque chose du monde. 

Vous parlez de l'amour des "bons bouquins", c'est quoi un bon bouquin ? 

C'est un livre qui fait grandir, et l'on s'en rend compte parfois après; un livre qui nous nourrit, auquel on repense. 

Bizarrement, il y a des livres qu'on a adorés sur le moment mais que l'on oublie alors que d'autres, au contraire, vous tournent dans notre tête. Quand on termine L'Etranger de Camus, on se dit "c'est super... mais de quoi ça parlait ?" Et puis, petit à petit, le livre chemine en nous.

Des bons livres, c'est ceux qu'on peut relire, qui nous nourrissent, dont les personnages habitent avec nous... On n'est plus jamais tout seul. Ils densifient notre vie intérieure. Quand on se met dans la tête de Rastignac, on comprend autrui. 

Et puis ces bons bouquins, ce sont des références communes, culturelles qui créent du lien. 

On dit que la littérature classique est une référence qui exclut, qui signale, qui distingue "j'ai la référence et pas toi"... Il faut la réintroduire dans une culture qui englobe. Tarentino et Racine disent tous les deux quelque chose de la catharsis*, proposent tous deux une vision intéressante du monde. Il faut simplement réinscrire cette culture dans notre société. 

Est-ce qu'on passe forcément par des liens avec la pop culture pour parler à des jeunes aujourd’hui ? 

Cette culture pop est la nôtre; ce sont les films qu'on voit, dont on parle... Ce n'est pas nécessaire, mais ce sont des liens que l'on observe spontanément. 

Walter White, Superman, Hercule, Lancelot... sont tous des héros. Quand on travaille sur la figure du Héros, les liens qui se forment entre eux sont naturels.

Parler de Game of Thrones, que l'on regarde tous, nous permet d'étudier la tradition du surnaturel en littérature mais aussi de parler du conte, des mythes, de citer Tolkien. ..  

Vous passez par le décalage, l’humour… est-ce que vous n’avez pas peur du coup d’être parfois réducteurs ? 

Il y a forcément une perte en précision; c'est un risque. Mais notre volonté est surtout d'avoir un propos cohérent et attirant, pas exhaustif. 

Nos vidéos doivent avoir une dimension esthétique, mais aussi pourquoi pas, laisser les gens frustrés pour avoir envie d'aller plus loin. 

Et à qui vous adressez-vous ? 

Notre première cible était les lycéens.

Nous voulions leur parler avec du contenu et de l'humour pour les sensibiliser. Mais, quand nous avons commencé, on n'était pas vraiment assez bons dans la technique de l'humour (maintenant finalement on pourrait être plus drôles) donc on s'adressait plutôt aux gens curieux de 18 à 35 ans et aux lycéens qui avaient déjà les oreilles pour écouter.

Et maintenant cela s'inverse ... des lycéens simplement curieux viennent vers nous et tous ceux qui ont envie d'écouter ;-) 

La chaîne se développe; il y a plusieurs playlists (Les Booktubes du patrimoine, Les Chroniques de Redek, Mock...); entre littérature et actualité, comment voyez-vous son avenir ? 

Chaque playlist a sa raison d'être.

Les chroniques de Redek nous amènent à prendre de la distance. Avec la surpolarisation des camps, avec l'émergence des réseaux sociaux, il est bon parfois de savoir prendre un peu de recul. Et même dans la vie politique, dans l'actualité, la littérature permet de prendre du recul. 

La Playlist sur Baudelaire est un lieu de solitude, un lieu plus intime, un lieu de poésie musicale, de partage. C'est l'envie de créer une culture de partage. Des moments comme des cadeaux. 

Mais ce qui est important pour nous, c'est toujours la dimension littéraire. Les vidéos sont actuelles, polymorphes, marquées par la littérature classique. Nous pouvons avoir une entrée littéraire et ouvrir sur l'actualité ou inversement... 

La vidéo sur Usul est la plus regardée (10 000 personnes se sont abonnées en quelques jours). Même si la vidéo a les atours du "clash", c'est une vidéo de contenu, sur le fond.

Dans la vidéo sur Black miroir vous évoquez le paradoxe qui semble constitutif à votre projet (medium versus fond). Comment le résolvez-vous ? 

Nous tentons de mener des formats plus longs, plus âpres.

Mais nous proposons aussi des vidéos comme celles sur Baudelaire.... Chaque premier dimanche du mois, un poème, une musique.

Notre vidéo sur La Chanson du mal aimé est elle aussi très regardée (68K vues à ce jour) et pourtant elle est évidemment poétique, plus intime, musicale. 3 minutes où on ne comprend rien, sauf le jeu des sonorités... C'est une belle victoire! 

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Ce qui complique la résolution de ce problème, c'est le format même de Youtube qui en permanence vous invite à cliquer ailleurs. La question de la rentabilité complique elle aussi la chose. Comment faire un contenu sérieux quand on est aux prises avec un algorithme opaque ? Il faut se rendre compte que dans le top 20 des chaînes francophones, seules 3 ne font pas d'humour. Et comme nous refusons la publicité.... 

Comment décidez-vous des prochaines vidéos ? 

C'est un peu au hasard des programmes littéraires au collège ou au lycée, à l'université ou en prépa, des sujets d'actualité, d'une parole qu'on aimerait faire entendre.... 

Et comment les écrivez-vous ? 

Au départ, on écrivait sans souffrir et certaines étapes de la réalisation étaient difficiles... Il nous a fallu apprendre le tournage, la production elle-même, la diffusion. Tout cela s'apprend, mais cela prend du temps.. 

Maintenant, nous écrivons plus par débat, c'est donc un peu plus long, un peu plus laborieux mais c'est plus riche, plus logique. Et parce que la partie production est mieux maîtrisée, que nous sommes plus pros, on s'éclate plus sur le tournage. Nous sommes d'ailleurs en ce moment sur un gros tournage dans un décor tenu secret ! 

Vos 3 auteurs incontournables ? 

Tous les deux : Baudelaire 
Pour Pierrot : Blaise Cendrars 
Pour Redek : Henri Michaux 

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Blaise Cendrars

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Ce sont 3 poètes ? 

C'est vrai.... transmettre l'amour de la poésie dépend des circonstances. C'est peut-être là encore l'envie de donner envie, de se mettre à un autre rythme, plus âpre. 

Retrouvez aussi Pierrot et Redek dans Classiques ! 18 conversations désopilantes (et néanmoins érudites) sur la littérature 

Classiques

Parce qu'ils font un travail remarquable, et en attendant qu'ils trouvent un "business model", ou qu'une maison d'édition se penche sur eux, nous pouvons tous les aider sur Tipeee ici

* Catharsis = c'est la purgation des passions. En assistant aux passions des autres, on se libère des nôtres. 

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