Des experts se réunissent régulièrement pour échanger sur le sujet... alors nous sommes allés les écouter.

Table ronde organisée par le Think Tank Vers le Haut avec : 

• Serge Tisseron, psychiatre et docteur en psychologie. 

C'est lui qui a imaginé en 2007 les repères "3-6-9-12 pour apprivoiser les écrans". 

• Monique Dagnaud, sociologue au CNRS 

Sociologue spécialiste des médias, d'internet et de la culture des jeunes. 

• Serge Barbet, directeur du CLEMI (le centre pour l'éducation aux médias et à l'information). 
• Carina Chatain de la CNIL 

Ce que l'on retient, ce sur quoi tous s'accordent et nous avec eux, c'est qu'il faut être acteur de sa vie numérique, ne pas subir, ne pas être passif. Il s'agit donc d'apprendre à nos élèves, à vos enfants, que l'on est aussi un citoyen numérique .  

Le numérique : Une culture ? Une idéologie ? 

La technologie a transformé la société, le rapport entre les individus, l'économie... Aucun secteur ne peut échapper à ce nouveau monde. Nous sommes en train de devenir une société numérisée. 

Ce qui est intéressant, c'est que ce qui peut aujourd'hui sembler une aliénation, a, au départ dans le modèle californien, été pensé comme libérateur, rappelle Monique Dagnaud. Ce modèle reposait sur l'idée que cette révolution technologique allait apporter 3 concepts simples  : 

• la liberté de l'individu
• la liberté de communiquer
• la gratuité 

Les californiens parlaient de : 

• free
• free speech  
• free of charge. 

Alors... aliénation ? ou libération ? 

Les deux évidemment et tout dépend de l'usage que l'on en fait !

Mais la méfiance est là, c'est certain ! Et j'en veux pour preuve que nombre de cadres de Google, Facebook & cie refusent de donner une tablette ou un smartphone à leurs enfants, qu'ils les scolarisent dans des écoles "à l'ancienne"... sans ordinateurs ! L'article à lire ici est édifiant !

Quand des cadres de l'industrie avouent que leurs outils ont été créés pour capter en permanence l'attention, quand ils scolarisent leurs enfants dans des écoles déconnectées, c'est forcément un coup porté à l'image de cette industrie ! 

Le défi est donc majeur ! 

Sensibiliser les jeunes 

C'est ce qu'essayent de faire la CNIL, le CLEMI, les enseignants, les parents... parce qu'il y a un début de prise de conscience. 

Les jeunes ont une grosse activité sur les réseaux sociaux ! Depuis le 25 mai 2018, le RGPD consacre un droit à l'effacement et à l'oubli. Ce droit à l'oubli est une belle avancée; c'est un droit à l'erreur. Mais ce droit à l'oubli ne doit pas faire oublier la prévention car le déférencement ne sera jamais complet. Internet a de la mémoire ! Etre un citoyen numérique, c'est donc apprendre à avoir les bons réflexes. 

Les enfants doivent comprendre qu'il leur faut apprendre à protéger leur vie privée. 

La vidéo du rire jaune va en ce sens.  

Alors éduquons, éduquons, éduquons !

Apprendre à utiliser la technologie 

Comment je me construis ? 

Serge Barbet rappelle que l'école doit donner à l'enfant les moyens pour qu'il ne soit pas l'objet des évolutions technologiques mais Sujet, capable de penser et d'agir par lui-même. 

L'éducation numérique est une responsabilité partagée : parents, école, entreprise, éducateurs... nous sommes tous concernés ! 

Carina Chatain

Si un jeune enfant passe trop de temps sur un écran, il ne pourra pas apprendre à décrypter par exemple les mimiques. Le jeune enfant a besoin d'apprendre à décoder les gestes, les mimiques, pour se synchroniser avec l'autre. S'il passe trop de temps devant des écrans, il n'apprendra pas les interactions, il parlera moins bien aussi ... 

Mais la problématique n'est évidemment pas la même selon l'âge. 

On ne peut pas interdire complètement à un adolescent. D'abord, parce qu'interdire n'est pas éduquer; et puis parce que ce n'est pas réaliste tout simplement. Les enseignants ont encore des efforts à faire pour faire entrer la culture numérique dans leur classe, mais le chemin est pris. Les parents doivent aussi penser l'usage qu'ils souhaitent pour leurs enfants. 

Alors, quelle utilisation ? 

Le sujet devient même un sujet de discorde dans les familles. Quelle utilisation? Comment s'opposer à son enfant ? Lui apprendre à résister ? Parce que oui, il s'agit bien de résister au caractère addictif des outils numériques qui offrent une promesse infinie de plaisir... 

On a pensé la culture numérique en opposition à la culture du livre. Elle est donc devenue le signe d'un fossé entre les générations.

La relation au savoir d'un enfant qui a grandi dans la culture numérique (avec snapchat, instagram, facebook...), sa relation à l'identité, à la sociabilité sera forcément différente de la nôtre.

La valeur de l'exemple 

L'éducation des enfants au numérique passe d'abord par l'exemplarité des adultes. 

Serge Tisseron

Si les parents regardent leur portable tout en parlant, tout en jouant, si pendant les cours, les professeurs regardent leur portable... Comment s'étonner que les jeunes fassent de même? 

La pratique numérique des parents quand ils sont avec leurs enfants a des conséquences sur eux aussi fortes que les pratiques des enfants eux-mêmes ! 

52 % des parents reconnaissent utiliser un smartphone quand ils sont avec leurs enfants! 

Une formidable opportunité

Mais ce qui est rassurant, c'est qu'il va bien dans cette culture. On s'intéresse plus particulièrement à ceux qui ne vont pas bien, à ceux qui sont "addicts"... mais la majorité des enfants va bien, dans un monde qu'ils voient simplement autrement que nous le voyons.

Cette culture numérique est donc à la fois une formidable opportunité et un formidable danger nous dit Serge Tisseron.

Retrouvez encore l'article de Johanna, enseignante en maternelle sur le risque des écrans pour les enfants de moins de 4 ans.