Des lectures ?
Le grand secours de Thomas B. Reverdy
Tout le monde et depuis trop longtemps parle du « naufrage de l’école ». Des études scientifiques aux reportages en caméra cachées, en passant par les conversations à table et autres commentaires sur les réseaux sociaux.
Et si c’était finalement la fiction qui disait le mieux la réalité et qui parvenait même, par un habile détour littéraire, à lancer la bouée ?
Le roman de Thomas B. Reverdy est Le grand secours et si vous savez ce que désigne ce groupe nominal, vous percevez déjà l’habilité. Si vous ne savez pas, surtout ne cherchez pas, vous le découvrirez. Mais dans un cas comme dans l’autre, lisez ce roman d’une journée qu’on imagine fatidique et qui pourtant dit tous les espoirs et la liberté défendue par ceux qui font l’école, malgré le naufrage.
La quatrième de couverture parle de banlieue et d’émeute, de destin et de fatalité mais ce roman est aussi, et peut-être avant tout, d’une stratégie remarquable, de celle qui emmène le lecteur bien plus loin qu’il n’y parait et en ces temps de naufrage, nous espérons qu’il sera lu par le plus grand nombre.
Le grand secours c’est d’abord comme au théâtre, une unité de temps et de lieu, qui porte le sens. Une journée dans un lycée et dans son quartier qui commence avec ce petit plan remis à l’écrivain en visite et au lecteur par la même occasion et qui se termine avec cet avertissement :
« L’histoire que vous venez de lire est une fiction elle est « vraie » non pas réelle. »
Une journée rythmée par les chapitres au chronomètre, les enseignants s’y reconnaitront. Pas de titre mais un horaire et un lieu. On pourrait tous les relever. Et parce que Thomas Reverdy est un grand écrivain, tout cela n’est pas là pour rien.
7:30 Pont de Bondy, 9:30 B212, 14:50 Parvis du lycée…
Le grand secours ce sont ensuite des personnages dont l’expérience morale permet d’échapper aux clichés. Il y a Paul l’écrivain venu animer un atelier et Candice la prof de français qui lui ouvre ses classes. Il y a aussi ces lycéens dont Mohamed, tour à tour poète et maudit, héros et victime. Ils ont en commun les mots et le roman nous montre combien cela peut être une force, pour celui qui veut détruire comme pour celui qui veut sauver.
Le grand secours c’est enfin une écriture qui sollicite tous nos sens, comme si en nous permettant de nous accrocher au rouge des lèvres de Candice ou au ballet des pigeons dans le ciel, aux voix des élèves qui lisent La Princesse de Clèves ou leurs propres poèmes, aux odeurs de plat réchauffés ou au goût d’endive cuite du café, l’auteur nous permettait de garder la tête hors de l’eau, comme ces musiciens qui auront joué jusqu’au bout sur le pont du Titanic.