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Les élèves français rencontrent des difficultés croissantes pour rédiger
Et encore une mauvaise nouvelle sur le front scolaire : les élèves français rencontrent des difficultés croissantes pour rédiger. C’est en tout cas l’alerte récemment lancée par un comité d’experts « indépendants », le Cnesco*, à partir des résultats d’une enquête internationale (PIRLS de 2011).
Concrètement, nos élèves de CM1 sont plus nombreux que la moyenne européenne à ne pas répondre à une question ouverte (dont la réponse n’est ni oui, ni non). Ils sont aussi plus nombreux à rédiger une réponse très courte. D’autres statistiques soulignent également que leur niveau d’orthographe en dictée chute année après année.
Pourquoi est-ce grave ?
Parce que la maîtrise de l’écrit est un enjeu qui dépasse l’école ; son utilité n’est plus à prouver. Savoir écrire, c’est savoir se faire comprendre des autres, qu’il s’agisse d’écrire à la main ou avec un clavier. Ecrire sert à réfléchir, à exprimer et à communiquer ses idées, le tout dans une langue correcte, avec une orthographe et une syntaxe maîtrisées.
Le Cnesco s’est penché sur les blocages de nos élèves : il les a identifiés et analysés afin de les comprendre et de proposer des solutions aux enseignants pour « (re)donner aux élèves le goût de l’écriture ».
En voici quelques-unes :
- ne pas attendre de savoir lire pour écrire, lier écriture et lecture, faire préparer les rédactions et outiller les élèves (entraînements ciblés, brouillons…),
- accorder un temps de révision (seul ou à plusieurs),
- favoriser la co-écriture,
- ne pas corriger l’orthographe et les oublis d’accord lorsqu’on est concentré sur la rédaction mais lier production d’écrit et étude de la langue,
- expliciter les conventions de chaque genre et de chaque discipline,
- ne pas négliger le numérique, etc.
Parmi ces solutions, beaucoup sont déjà prévues par les nouveaux programmes de 2016.
Si les objectifs coïncident, pourquoi ça coince encore ? Peut-être s’agit-il d’un simple problème de moyens.
Comme la mauvaise formation des enseignants (ou l’absence de formation) qui est ici pointée du doigt…Vous parents, n’avez plus qu’à espérer que les enseignants soient (mieux) formés à enseigner l’apprentissage de l’écrit et de la production de textes !
Mais pour surmonter les difficultés et la peur d’écrire, le Cnesco fait également appel aux familles dans une dernière recommandation : « articuler les apprentissages scolaires avec les pratiques d’écriture des élèves hors de la classe ».
Voilà une piste peu détaillée mais chère aux Clefs de l’Ecole, qui n’a pas attendu le Cnesco pour aider les parents à accompagner leurs enfants dans toutes les dimensions de l’écrit et de la production d’écrit, en lien avec ce qui est attendu en classe.
*Cnesco : Conseil National d’Evaluation du Système Scolaire, créé par la loi pour la Refondation de l’Ecole en 2013. Composé de scientifiques en lien avec l’éducation (y compris internationaux) et de parlementaires.
Où sont les blocages ? Comment aider nos élèves à oser et aimer écrire ?
Pour commencer, définissons ensemble ce qu’à l’école, on entend par « écrire ».
C’est à la fois :
- le geste graphique et technique qui permet d’écrire à la main de façon rapide et lisible, et
- la production écrite de toutes sortes de textes, toutes disciplines confondues : un écrit de travail pour réfléchir ou pour apprendre (une leçon, une carte mentale, une phrase-réponse à une question, un compte-rendu d’expérience scientifique, etc.) aussi bien qu’une écriture dite « créative » (l’expression écrite d’antan).
Le geste
A l’heure du numérique, le Cnesco ne remet pas en question la place de l’écrit « à la main » dont des recherches scientifiques confirment les effets bénéfiques. En passant par le geste de la main, les élèves reconnaissent visuellement les lettres et les mots mieux que s’ils les apprenaient uniquement par le biais du clavier.
A l’école, l’apprentissage de l’écriture cursive (lettres attachées) se démarre dès la grande section avec l’objectif au cycle 3, que le geste graphique soit suffisamment automatisé, fluide et rapide pour que les élèves puissent se concentrer sur le sujet de leurs écrits.
Mais le Cnesco recommande toutefois de ne pas être « hermétique aux nouvelles technologies » qui peuvent favoriser les apprentissages de l’écrit.
Les programmes de 2016 sont on ne peut plus explicites sur la question en recommandant, dès le cycle 2, que les élèves « apprennent à utiliser les fonctions simples d’un traitement de texte » et « manipulent le clavier ». Au cycle 3, ils poursuivent également leur apprentissage méthodique du traitement de texte, en travaillant par exemple la mise en page de leurs textes (choix du format et de la police de caractère, utilisation de listes de puces, etc.).
Les profs maîtrisent-ils suffisamment le traitement de texte pour être en mesure d’en enseigner les bases à leurs élèves ? Et les écoles sont-elles suffisamment équipées en matériel informatique ? That’s the question !
Se lancer dans une réponse avec une écriture lisible nécessite une bonne maîtrise de la langue (orthographe, vocabulaire et une syntaxe), des idées originales et organisées…reconnaissez que l’ampleur de la tâche a de quoi faire peur !
La production écrite
On n’attend pas que les élèves sachent lire pour les faire écrire.
A l’école, en grande section et en CP, les élèves non lecteurs écrivent déjà ! Sous forme de « dictée à l’adulte », c’est-à-dire qu’ils dictent à leur professeur ce qu’ils souhaitent écrire. L’objectif ici est de construire un écrit cohérent et organisé. En fin d’année de CP, les élèves sont ainsi capables de rédiger une ou plusieurs phrases courtes à partir d’une image par exemple. Et à partir du CE1, la taille des écrits se rallonge.
La technique de l’écriture approchée est également proposée : les élèves tentent de reproduire à l’écrit les sons qu’ils entendent, qu’ils connaissent déjà ou pas. Ils peuvent aussi écrire avec des dessins ou des mots « outil ». Peu importe que la graphie des sons soit correcte, l’objectif est de les encourager à écrire.
Pour en savoir plus sur ce qui est fait en classe, retrouvez notre fiche l'écriture et l'orthographe au CP.
On écrit dans toutes les disciplines.
L’écrit n’est pas réservé à « l’écriture créative ».
Dès le CP, des situations d’écriture quotidienne sont proposées pour réfléchir et apprendre : répondre à des questions, résumer ses découvertes pour rédiger une leçon, raconter ses vacances, écrire la légende d’une photo, rédiger une nouvelle fin à une histoire, écrire une lettre, une poésie, etc…
A l’école, dans toutes les matières et à toutes les étapes de leurs apprentissages, les élèves sont quotidiennement entraînés à rédiger des écrits de travail :
- pour préparer une recherche lorsqu’ils émettent des hypothèses en sciences,
- pour réagir à une lecture, pour reformuler sa compréhension d’un texte,
- pour justifier un résultat en mathématiques,
- pour conclure une activité et en rédiger la trace écrite, etc.
Les élèves apprennent à rédiger correctement une phrase réponse en reprenant tous les mots de la question.
Comment savoir si la phrase réponse est correcte ? Si vous comprenez la réponse sans avoir lu la question.
Par exemple :
A la question « A quelle température l’eau se transforme-t-elle en vapeur ? », la réponse attendue est : « L’eau se transforme en vapeur d’eau à la température de 100° C » et non pas : « A 100° C ».
Mais attention, chaque discipline a ses codes d’écriture (le ton, le lexique…) et il est important que les élèves les connaissent explicitement pour être à l’aise dans leurs écrits.
Ainsi, si en littérature on fait la chasse aux répétitions (qui alourdissent les phrases), il faut que les élèves prennent conscience qu’en sciences, c’est la précision du langage qui prime. Dans un compte-rendu d’expérience ou dans une leçon de sciences, on n’hésite pas à répéter les mots clefs. En géométrie, il n’existe pas de synonymes, à la différence du langage littéraire. Un angle est un angle. Ni un coin, ni une extrémité ! De même, un cercle n’est pas un rond et un cube n’est pas un carré : le lexique de la géométrie ne doit pas être confondu avec le vocabulaire courant !
Pour en savoir plus sur ce qui est fait en classe, retrouvez nos fiches : L’écriture au cycle 3; La rédaction au CE2, au CM1, au CM2; Comment présenter un problème de maths au CM1 ? au CM2 ?
On fait du lien entre lecture, écriture et étude de la langue.
Pour que les élèves appliquent les règles de la langue, il faut d’abord qu’ils les comprennent. Les leçons d’orthographe, grammaire, conjugaison ou vocabulaire doivent être enseignées avec cet objectif : l’étude de la langue est au service de l’écriture (et de la lecture). C’est l’une des recommandations des programmes de 2016.
A l’école, ces apprentissages, au service d’une meilleure maîtrise de l’orthographe, leur permettent d’être plus à l’aise pour comprendre un texte et pour se faire comprendre à l’écrit, dans tous les domaines d’enseignement. A l’occasion de l’étude d’un texte, des activités d’étude de la langue sont consacrées à une notion bien particulière pour « illustrer » et approfondir les leçons.
Les élèves étudient différents genres de textes : narratifs comme le roman, informatifs comme le texte documentaire, injonctifs comme le mode d’emploi, argumentatifs, poétique, etc. Ces genres se retrouvent dans différentes disciplines : écrits scientifiques, littéraires, historiques, etc.
Les écrits sont alors l’occasion pour les élèves de mettre en pratique les connaissances acquises pour chaque genre étudié, sur l’étude de la langue (syntaxe, ponctuation, règles des accords, orthographe d’usage, conjugaison, etc.) ou sur l’organisation d’un texte (par exemple pour un texte narratif : le respect de la logique de l’histoire et la bonne maîtrise des différentes façons de désigner les personnages la bonne utilisation des indicateurs de temps et des mots de liaison, l’emploi correct des temps verbaux, etc.).
Pour en savoir plus sur ce qui est fait en classe, retrouvez notre fiche L'étude de la langue au cycle 3.
On prépare ses écrits.
Le Cnesco rappelle que « l’écriture doit se construire comme un processus : elle doit être préparée » : brouillon, schéma, dessin, tableau, carte mentale. Les programmes de 2016 n’en disent pas moins.
Par exemple, en ce qui concerne l’écriture « créative », l’écrit final n'est que l’étape finale d’une série d’entraînements menés en classe. Il n’est pas normal que les sujets de rédaction soient des sujets d'invention, « sortis du chapeau ». Des activités préparatoires doivent être organisées avec des recherches sur le lexique attendu, les tournures syntaxiques appropriées, etc. C’est en observant des textes que les élèves se préparent.
L’utilisation d’un brouillon est aussi recommandée pour mettre ses idées au clair et vérifier qu’on est bien dans le sujet demandé et qu’on a respecté les consignes d’écriture données.
Car, quels que soient les sujets de rédaction proposés (raconter un compte-rendu de sortie, décrire un paysage, inventer la fin d’une histoire…), le travail de composition des élèves doit normalement être évalué par rapport à une (ou des) consigne(s) d’écriture explicite(s).
Et c’est en fonction du degré de réalisation de la consigne qu’une partie de la note sera attribuée (en plus de l’originalité des idées par exemple !).
Pour en savoir plus sur ce qui est fait en classe, retrouvez nos fiches : un exemple de rédaction au CM1, au CM2.
On révise ses écrits
L’objectif dès le cycle 2 est que les élèves prennent conscience d’erreurs, de répétitions, de vocabulaire non adapté dans leurs écrits.
Pour cela, l’enseignant leur donne des outils pour leur permettre de se relire grâce à une grille de relecture qui cible les points de vigilance à respecter. Les élèves ont aussi recours aux affichages méthodologiques qu’ils ont créés en classe (par exemple, l’emploi des indicateurs de temps pour organiser un récit, l’emploi des indicateurs de lieux pour organiser une description, les différentes conjugaison apprises), au correcteur orthographique (s’ils travaillent avec un traitement de texte), au dictionnaire. Ces modifications peuvent se faire seul ou à plusieurs.
Apprendre à se relire n’a rien d’une évidence pour un élève.
Etre lu par un camarade est une bonne façon de l’amener à prendre conscience de ses erreurs, notamment en orthographe et ponctuation. Cette collaboration dans la relecture figure dans les programmes de 2016 et concerne le cycle 2 comme le cycle 3.
Progressivement, les élèves s’approprient ces stratégies de relecture afin d’être de plus en plus autonomes.
L’enseignant est également incité à proposer un deuxième temps d’écriture aux élèves pour améliorer le texte initial, à partir de ses remarques ou avec l’aide de ses camarades. Cette deuxième version ainsi que toutes les étapes de la réécriture entrent en ligne de compte pour l’évaluation finale.
En fin de cycle 3, on attend des élèves qu’ils soient plus autonomes dans leur capacité à se relire et se corriger.
Ce qu’il reste à faire
La dernière recommandation du Cnesco pour améliorer les apprentissages des élèves concerne les apprentissages…des enseignants !
Il semblerait que nous, enseignants, professeurs des écoles ou de collège, soyons extrêmement bien formés pour enseigner l’étude de la langue mais beaucoup moins pour enseigner l’apprentissage de l’écrit et de la production d’écrit.
S’il apparaît que les programmes de 2016 sont en phase avec l’essentiel des recommandations du Cnesco, ce dernier insiste pour que les enseignants soient « soutenus dans la lecture des programmes » en leur proposant une « explicitation des notions, des termes utilisés dans les programmes et des exigences attendues » …
La formation initiale et continue des enseignants est une étape incontournable pour envisager de réconcilier nos élèves avec l’écrit. Il est vrai qu’à une époque, des documents d’accompagnement étaient rédigés par le Ministère de l’Education Nationale pour permettre aux enseignants de lire entre les lignes !
Ce déficit de formation les pousse du coup à accorder plus de temps à la lecture (4h11min en CP) qu’à l’écriture (2h23min) dans toutes ses dimensions : geste graphique, recours au traitement de texte, rédaction d’un écrit de travail ou d’une « écriture créative ».
Et à la maison, comment aider son enfant ?
Dernière recommandation du Cnesco : « articuler les apprentissages scolaires avec les pratiques d’écriture des élèves hors de la classe ».
Que faire écrire ? Comment ? Quand ? Pourquoi ?
Comme pour la lecture, il est scientifiquement prouvé que l’écrit gagne à être pratiqué dans le cadre familial dès le plus jeune âge.
Le Cnesco ne l’envisage pas sans le soutien approprié de l’enseignant qui permet de « guider ces pratiques familiales, notamment lorsque le français n’est pas la langue maternelle ». Il encourage même les enseignants à s’appuyer sur les écrits personnels de leurs élèves « sans les stigmatiser ni les hiérarchiser vis-à-vis des productions écrites réalisées à l’école ».
Mais nous n’en saurons pas plus pour le moment.
C'est en tout cas un sujet qui nous tient à coeur et nous n'avons pas attendu le Cnesco pour proposer aux parents des pistes pour accompagner leurs enfants dans toutes les dimensions de l’écrit.
Quelques pistes ...
Pour s’entraîner au geste d’écriture
Pour entraîner votre enfant à l’écriture cursive, vous pouvez utiliser des jeux type "lettres rugueuses » (réalisées avec du papier de verre) imaginées par Maria Montessori.
L'objectif est simple: reconnaître et mémoriser les formes de lettres par le toucher et la vue et apprendre à guider sa main dans le bon sens d’écriture.
Votre enfant doit repasser sur le contour de la lettre rugueuse avec son index et son majeur tendus, dans le sens d’écriture usuelle. Dans un deuxième temps, l’enfant peut s’exercer à tracer la lettre sur un plateau contenant une couche de sable. Une fois que le tracé est acquis, vous pourrez passer au crayon sur une feuille.
Pour favoriser la production d’écrits
Il existe une multitude de situations qui peuvent permettre à votre enfant de s’entrainer à rédiger :
- écrire une carte postale pendant les vacances,
- écrire une liste de courses,
- tenir une sorte de cahier de vie sur lequel votre enfant raconte ses week-ends et ses vacances,
- inventer une poésie pour l’offrir à une grand-mère,
- créer un carnet de lectures à la façon d’un journal intime, etc.
Pour aider en copie
Proposez-lui de copier un court texte en respectant les trois étapes suivantes :
1. Observation des mots ou groupes de mots à copier,
2. Ecriture de ces groupes de mots en essayant de ne pas lever les yeux vers le modèle,
3. Relecture du texte copié.
Cet exercice peut se proposer quotidiennement, en variant le support des modèles à recopier. Une fois, la copie peut se faire à partir d’un texte noté au tableau (ou équivalent du tableau de la classe) et une autre fois, à partir d’un livre posé sur le bureau de votre enfant.
Pour aider à se relire
Conseillez à votre enfant de se relire en commençant par le dernier mot écrit et non pas par le début de la phrase. Ainsi, ses yeux n’anticiperont pas la lecture des mots, de façon quasi automatique, comme lorsque l’on lit de gauche à droite et que l’on connaît déjà le sens de la phrase. Chaque mot lu devra être comparé au modèle.
D’une façon générale, s’il vous semble que votre enfant est rarement amené à copier des textes en classe, entraînez-le régulièrement à cette pratique de l’écriture manuscrite longue (cinq à dix lignes) pour qu’il gagne en aisance et en vitesse.