« Elle resta là longtemps, à contempler les lumières de la ville qui peu à peu s’apaisait. Les touristes venaient par petit groupe de deux ou trois, s’extasiaient et repartaient après quelques selfies qui immortaliseraient cet instant aux yeux des autres. Un petit sourire et puis s’en va. Bien peu s’asseyait comme elle. A chacun son histoire.

Mais si l’un d’entre eux avait regardé de côté, il aurait vu une femme, dans sa trentaine, emmitouflée dans un manteau bleu, de grands yeux fixes, une frange blonde dépassant du bonnet. Une jolie femme qui semblait un peu triste, un peu perdue. Seule ici, comme ailleurs, au milieu de ces étrangers comme aux cotés de ceux qui étaient censés l’aimer. »

A.H Motte fait ce que nous n’avons pas le temps de faire, elle se pose, elle observe, elle décrit. Et puis elle écrit et surtout elle nous raconte et nous offre des portraits de femmes d’aujourd’hui, toutes issues d’un milieu qui se reconnaitra ou que le lecteur explorera, toutes issues d’une même famille avec qui nous ferons connaissance, guidés par une construction remarquable et accompagnés d'un italique à la Flaubert, s'adaptant parfaitement au format court. 

Car si les premières nouvelles peuvent paraitre décousues et laisser le lecteur sur sa faim, le recueil s’avère ensuite construit subtilement avec comme fil conducteur une famille, que le lecteur découvre, alors que ces femmes la perpétuent ou l’esquivent, la protègent ou la fuient.

Une famille. Anouk, Emma, Constance… Pauline et Simone, celles qui auront retenu mon attention, parce qu’elles portent haut et fort cette formule prononcée un jour par ma meilleure amie « on n’a qu’un seul tour de manège ». Mais aussi les hommes, avec leurs prénoms d'évangélistes, qui les entourent, pour les enfermer souvent, les transporter parfois, les protéger, pensez-vous? pour finalement rester à l'arrière plan. C’est l’histoire d’une fille… est un livre de femmes, à mettre dans les mains des hommes.   

C'est l'histoire d'une fille, d'A.H. Motte, aux éditions Baudelaire