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Des lectures ?

S'adapter de Clara Dupont-Monod

Il a ce verbe à l'infinitif entendu plusieurs fois à la radio, et aperçu sur les réseaux en lettres bleu clair sur fond bleu foncé. Comme un écho à Continuer de Laurent Mauvigner, comme un obstacle à anéantir de Michel Houellebecq. Un verbe à l'infinitif. Pas de sujet, pas de complément, pas de passé ni d'avenir. Ne rien dire d'autre que l'acte.

« Un jour, dans une famille, est né un enfant inadapté

Il y a quelque chose du conte dans ce « un jour... » et puis cette précision qui pourrait paraître inutile dans une première phrase et qui pourtant dit déjà ce qui fait la spécificité de ce roman : « dans une famille ».

Si l'enfant naît, est-il nécessaire de préciser « dans une famille » ? Un enfant ne naît-il pas toujours « dans une famille » ? Et puis finalement, nous ne savons pas laquelle. Mais justement, c'est sur cet ensemble indéterminé que tout repose. Les parents comptent assez peu, tout se joue entre frères et sœur. L'aîné, la cadette et le dernier. Pas de prénom, mais une place, comme dans les contes, encore une fois.

Et un rythme : 1, 2, 3.

Trois chapitres, un pour chacun, trois récits d'une même histoire, mais pas pour autant trois points de vue, non, car la narration a cela de particulier aussi, qu'elle est confiée aux pierres qui entourent la maison. Le narrateur dit « nous » et il observe, à tour de rôle, les trois enfants autour d'un autre qui ne bouge pas, à des moments, et surtout évidemment, avec des réactions différentes.

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L'aîné « Il ne peut aimer que dans l'inquiétude. Il est l'aîné pour toujours » p.68

La cadette « Elle avait compris que cet instant-là était celui de la fracture » p.69

Le dernier dont le lien avec les parents « était tranquille et puissant. A eux trois ils formaient un cocon, tissaient des jours en forme de cicatrice. C'était à la fois lourd et gratifiant. Mais c'était sa place donnée. Parfois son père ébouriffait ses cheveux avec une une tendresse alarmée, une brusquerie qui révélait une crainte, celle de le voir partir, comme s'il fallait le retenir, lui, le dernier, parce qu'avant lui il y avait eu la souffrance et après lui il n'y aurait rien. Il se tenait dans un entre-deux. Il était à la fin. Un nouveau départ et une continuité, une fracture est une promesse. » p.127

S'adapter est une histoire de fratrie qui raconte comment une famille s'adapte à la venue d'un enfant qu'on dit inadapté mais qui est en réalité lourdement handicapé. 

S'adapter est un roman construit avec beaucoup de délicatesse et de justesse, tant dans le choix des mots que dans l'équilibre global, comme une valse à trois temps...

S'adapter est bien plus que de la littérature, c'est la capacité de nos familles à se construire et ses lettres bleu clair sur fond bleu foncé disent notre force. En ces temps incertains, nos lycéens ne s'y sont pas trompés.  

S'adapter de Clara Dupont-Monod aux éditions Stock, Collection Bleue, Août 2021
Prix Fémina, Prix Landerneau et Goncourt des lycéens