Frère d’âme, enfin récompensé ! 

Et ça tombe à pic alors que nous célébrons cette année le centenaire de l’Armistice de la Grande Guerre. 

C’est un roman à part parmi les livres qui retracent les événements de la première guerre mondiale. Ce n’est pas une simple chronique de poilus revenus de l’enfer. C’est plus que ça.

Un récit de guerre atypique 

La guerre est racontée à travers le prisme d’un tirailleur sénégalais parti tout droit de son village pour se retrouver en métropole sur le front. Alfa Ndiaye, un jeune homme de 20 ans et  son ami d’enfance Mademba Diop, viennent défendre la « Mère Patrie ». Ils découvrent une terre lacérée par les tranchées et les trous d’obus. Les balles sifflent au dessus des têtes des soldats et le ciel est « cisaillé de métal ».  

Ils combattent les ennemis aux « yeux bleus jumeaux » avec courage et héroïsme ; ils sortent de leur tranchée, bravant les tirs ennemis, toujours partant dès que le coup de sifflet du capitaine Armand retentit. Et puis un beau jour, Mademba, son loyal compagnon de route, tombe éventré d’un coup de  baïonnette. Il supplie son frère d’âme de mettre fin à ses souffrances mais Alfa n’y parvient pas. Alfa se retrouve seul, incapable d’achever son « plus que frère ».

Je n’ai pas réussi à couper le fil barbelé de sa souffrance.  

La longue agonie de Mademba lui revient en boucle jusqu’à hanter sa mémoire .. 

Alfa bascule peu à peu dans la folie, dans la vengeance et dans la barbarie.. Il répand la violence au point d’effrayer les camarades de son régiment ; il rapporte à chaque offensive en guise de  butin de guerre, une arme du camps adverse et une main de soldat allemand tranchée au coupe-coupe. Des trophées macabres .

Il est finalement envoyé à l’arrière du front pour y être soigné dans un service psychiatrique à la demande de son capitaine. Le jeune tirailleur sénégalais n’a pas de cicatrices mais il a perdu son innocence, sa douceur d’homme, son humanité en participant à la grande Guerre.

Au cours de ce repos forcé, il va retrouver toutes les sensations de son village d’Afrique de Gandiol, les veillées avec les anciens, les premières amours à l’ombre des ébéniers et le souvenir de sa mère disparue.  

Ce roman est un récit de guerre atypique car il retrace les événements à travers ceux qui ont combattu souvent dans l’anonymat, les soldats de l’armée coloniale de l’Afrique noire. L’auteur leur rend un bel hommage. Ces tirailleurs sénégalais valeureux guerriers étaient  toujours prêts à en découdre. Ce roman parle aussi du traumatisme vécu par les soldats blancs et noirs qui ont basculé dans la folie meurtrière.

C’est un livre qui plaira aux lycéens car Frère d’âme rend hommage à l’amitié indéfectible entre deux jeunes hommes dans la force de l’âge, envoyés dans les tranchées de la première guerre. Ils ont  vingt ans et n’ont aucune idée de ce qui les attend. 

C’est aussi une incroyable confession sur la violence, le désespoir, la pudeur de soldats étrangers confrontés à une sauvagerie extrême. On y apprend beaucoup sur cette page d’histoire dont on célèbre le centenaire de l’armistice. 

Quelques mots sur l’auteur :

David Diop est un universitaire de 52 ans, agrégé de Lettres et Maître de conférences à l’université de Pau, spécialiste de la littérature du XVIIIè siècle. Il a écrit un premier roman historique sur l’Exposition universelle, 1889 l’Attraction universelle en 2012. 

Frère d'âme de David Diop, Le Seuil, 2018, 17€.