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Souvenirs d'école

Bernard Friot ,
Ensemble

Quand un excellent élève découvre l'inanité de la compétition. 

J’ai dans la tête tout un album d’images d’école, heureuses pour la plupart. C’est une anecdote un peu étrange que j’ai choisi de raconter.
J’étais bon élève et la tradition voulait qu’il y ait un classement trimestriel. Depuis le CP, j’étais régulièrement premier. Au CM2, sans me prévenir, ma mère est allée trouver le maître pour lui demander de faire en sorte que, au moins une fois, je n’aie pas la meilleure moyenne. Elle a dû être convaincante car le maître a décidé de donner, exceptionnellement, un fort coefficient au dessin (on disait « dessin » à cette époque, et non « arts plastiques »). Malgré mes efforts, j’étais particulièrement mauvais en cette matière et au final, à un centième de point près, je me suis retrouvé deuxième ce trimestre-là.
Pour moi, être premier n’était pas un exploit, et je n’en tirais aucune fierté. C’était juste mon devoir, et je pensais que c’était ce qu’attendaient de moi mes parents. C’est donc désespéré que je suis rentré à la maison, persuadé que ce déshonneur me vaudrait d’être renié.
Ma mère m’a alors révélé son intervention auprès du maître. Elle craignait que, habitué aux meilleures notes (sauf en dessin!), je souffre d’en avoir, un jour, de moins bonnes.
Sa démarche peut sembler étrange aujourd’hui où beaucoup de parents contestent les mauvais résultats de leurs enfants et marchandent pour un dixième de point. On peut s’étonner, aussi, de l’attitude du maître (que j’aimais et respectais) qui s’est prêté au jeu – éducatif ! – imaginé par ma mère. Je leur en suis pourtant hautement reconnaissant aujourd’hui, car ils m’ont fait comprendre l’inanité des faux succès basés sur la comparaison avec les autres, autrement dit : la compétition. Grâce à eux, j’ai pris distance définitivement avec cette pseudo valeur qui gangrène notre société. Réussir, ce n’est pas être premier, ce n’est pas vaincre les autres, c’est réussir et vaincre avec les autres.
Je déteste les concours et les prix, y compris dans le monde littéraire. La lecture n’a rien à voir avec la compétition, et tout à voir avec la coopération. Comparer deux livres n’a de sens que si la comparaison révèle leurs différences, ce qu’ils sont l’un par rapport à l’autre à travers ma lecture, mon expérience, ma façon de ressentir les émotions, de construire une signification. Mais jamais un livre ne sera, par essence, meilleur qu’un autre. Et opposer des lecteurs, sous prétexte de les motiver à la lecture, dans des défis lecture ou des concours de lecture à voix haute a encore moins de sens.
Lisons ensemble, donc, et pas les uns les contre les autres. Apprenons ensemble aussi, les uns pour les autres.

Bernard Friot

Bernard Friot est une figure du monde littéraire de la jeunesse. Agrégé de lettres, il a d'abord enseigné en collège et au lycée puis a été responsable et directeur du Bureau du livre de jeunesse à Francfort.

Aujourd'hui, il se consacre à l'écriture et à la traduction française de livres pour la jeunesse.

Avant d'écrire pour les enfants, il a écrit avec eux. La liberté des enfants par rapport aux codes littéraires, leur créativité et, parfois, leur radicalité dans la peinture de leur univers l'étonnent toujours et l'incitent à inventer sans cesse de nouvelles d'écriture. 

Bernard Friot est l'auteur inoubliable des Histoires pressées, de Jours de collège, Carnet du presque poète, La Fille qui rit... 

Bonne lecture ! 

Retrouvez Bernard Friot sur son Site, La Fabrique à histoire

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